lundi 1 février 2010

Les étapes du voyage

1 - Bangkok
2 - Bangkok - les temples
3 - 5ème jour à Bangkok
4 - Imaginez un monde meilleur...
5 - Chiang Mai
6 - Chiang Mai (suite)
7 - Le village Lahu
8 - La route aux 1864 virages
9 - Le triangle d'or
10 - Muang Sing au Laos
11 - Nouvel An à Luang Prabang
12 - Nong Khiaw
13 - Trek chez les Akha
14 - Trek sur le Mékong
15 - Luang Prabang
16 - Luang Prabang (suite)
17 - Vientiane
18 - Pakxé
19 - Les 4000 îles
20 - Pnom Penh
21 - Angkor
22 - Angkor (suite)
23 - Encore Angkor (suite et fin du voyage)

(Il est possible d'agrandir les photos en cliquant dessus)

PS : Le voyage en Argentine est ici

Encore Angkor (suite et fin du voyage)

Mais qu’est ce que cela ?

Ça fait froid dans le dos, non ?
Une autre ? Y-a-qu’à demander !


Qu’est ce que cela peut-être ?
Le remake asiatique de l’invasion des profanateurs ?
Une nouvelle version du film de Jean Yann « Les chinois à Paris », intitulé « Encore les chinois à Angkor » ?
Une publicité pour les appareils photos ou caméscopes numériques ?
Le concourt du chapeau ou tee-shirt le plus ridicule ?

Non, rien de tout ça, c’est tout simplement mon coup de gueule pour la semaine :
Je n’y vais pas par 4 chemins :
Le nouveau tourisme dans le sud-est asiatique c'est la plaie du monde !
Et encore, je le dis poliment !
Depuis quelques années, trois pays asiatiques ont jeté leur dévolu touristique sur l’Asie du sud-est en général et sur Angkor en particulier ; aujourd’hui, chaque année ce sont donc des dizaines de milliers de japonais, de coréens et surtout de chinois, qui envahissent Angkor ; et quand je dis envahir, je n’exagère absolument pas, c’est même un mot trop faible !
En Chine, c’est en effet une certaine catégorie sociale de nouveaux riches ou de parvenus qui peut se payer ce type de vacances, et ces gens ont a priori une conception toute particulière de la visite d’un lieu historique et public et de la politesse !
Tout d’abord, ils opèrent en groupe (vous me direz, c’est plus pratique pour envahir un endroit…).
Ils arrivent sur le lieu de leur crime en gros bus fluorescent climatisé bien agressif…
Ils descendent du bus juste à la porte du temple, équipés de leur badge, chapeau et tee-shirt, et il n’est pas question de marcher 10 m si l’on peut l’éviter…
Ils sont tous dans les starting blocs, mais tout de même très disciplinés, car ils attendent patiemment le signal du guide en chef pour pénétrer dans un nouveau lieu. Une fois rentrés, c’est la curée…
Ah ! Ça y est, le chef vient d’agiter son petit drapeau, cela signifie que le groupe précédent vient de quitter la zone, ils ont le feu vert pour commencer le massacre !
Car il s’agit bel et bien d’un véritable massacre : ils investissent tous les espaces possibles ; il ne reste que des miettes pour les autres (c'est-à-dire les autres touristes). Et surtout, ils se placent directement devant les monuments à voir : les temples, les galeries, les sanctuaires, les murs d’enceinte, tout y passe ! Je ne parle même pas de pouvoir prendre une photo, mais même simplement regarder n’est plus possible, car il y a une barrière de chinois ou de coréens entre vous et le paysage…
Je précise enfin qu’ils possèdent évidemment tous un appareil numérique, et qu’ils veulent tous absolument tout photographier ; certains ont un caméscope greffé sur la joue, et ils ne voient Angkor qu’au travers de l’objectif !!! Ils filment tout : l’hôtel, la montée dans le bus, le trajet, la descente du bus, ses collègues qui photographie, le restaurant, les toilettes aussi, etc., etc.
Mais la grande mode, c’est de se faire photographier devant le monument par son camarade : le calcul est vite fait : un groupe de 20, 20 secondes par personne devant l’endroit à photographier : 8 minutes d’immobilisation totale de la zone pour un seul groupe…
Il faut quand même avouer que sur les trois pays, les champions du monde toutes catégories, vainqueur par K.O., ne sont plus les japonais ou les coréens, mais les chinois ! Ils battent tous les records d’envahissement ; en plus, ils sont impolis : ils n’hésitent pas à s’imposer physiquement, souvent au mépris de toute règle de civilité ; j’en ai même vu certains pousser d’autres touristes pour se placer au bon endroit !

J’ai rencontré ces pseudo-touristes pour la première fois au temple de Ta Phrom, l’après-midi de mon premier jour !
La première fois, c’est avec un certain sentiment d’amusement que j’ai observé ce drôle de manège ; ce sentiment d’amusement n’a pas duré longtemps (5 secondes), et a été en effet très vite remplacé par de l’énervement : ok, je laisse finir ce groupe qui squatte tout, je suis peut-être mal tombé, ils sont impolis, mais une fois parti, je pourrai admirer un peu plus calmement ce magnifique monument. Eh, bien, à peine les envahisseurs s’en vont envahir l’espace suivant, qu’un autre groupe de touristes chinois se précipitent littéralement dans la zone libérée, comme une ventouse ou un appel d’air surpuissant (si j’étais mauvaise langue, je dirais plutôt comme une ventouse à chiotte…)
Ah ! Merde ! (Je monte intérieurement dans les tours, car vous connaissez ma patience légendaire…). L’énervement laisse très vite place à de la colère, mais je n’étais pas le seul : beaucoup d’autres gens autour de moi ont eu aussi d’abord de l’incrédulité, puis de l’agacement, dans les yeux…
Je me dis intérieurement que peut-être il faut réagir ! Je ne peux pas les laisser prendre leurs photos comme cela en toute impunité…
Je prends alors le parti de l’humour : je sors mon livre à la main, et prends l’air pensif ; puis je fais comme s’ils n’étaient pas là : je marche partout le nez en l’air, et je me place en plein milieu du champ de leur appareil photo, avec la dégaine de Pierre Richard dans « Le distrait » ! J’entends bien des remarques ou des ordres en chinois, mais je fais celui qui n’entend pas, concentré sur les paysages, ou le nez dans mon guide ; je suis en plein milieu, certains rient jaune (c’est le cas de le dire), d’autres font des signes, mais aucun n’ose vraiment me pousser… J’ai mes 5 minutes de petite revanche, certes complètement inutiles (le prochain groupe entrera en scène juste après et rien n’aura changé), mais au combien jouissives (c’est comme insulter un flic, ça ne sert à rien, mais ça fait juste parfois du bien…).

M. Han, qui était avec moi, était mort de rire ! Il ne supporte plus du tout ce tourisme sauvage, même s’il m’explique que c’est le prix à payer pour Angkor, et qu’il n’y a plus le choix de toute façon.
Mais c’est vrai que les chinois impolis, il n’en peut plus… (Et pour lui, ça doit être encore plus dur à supporter, car c’est son gagne pain !)

D’un seul coup je me fais même un petit délire dans ma tête : je suis en train de m’imaginer en sosie de Dennis Hooper, le photographe fou dans « Apocalypse Now » : je gambade au milieu de mes amis chinois, complètement stone, le regard allumé, mon appareil photo argentique en bandoulière ; comme dans le film, je vais d’une personne à l’autre, je prends des clichés, tout en parlant des mystères de la vie, comme un philosophe dément … Tous les gens présents sont interloqués, mais je continue d’aller de l’un à l’autre : et clic, clic, je mitraille ; je cherche le cadre parfait, je change d’objectif ; je brasse de l’air, et surtout j’assène des vérités sans queue ni tête avec un regard de feu :
http://www.youtube.com/watch?v=XN7Vk0Nm_2w&feature=related
(Allez directement à 4m50s de la vidéo, et vous verrez de quoi je parle ! En plus, c’est d’actualité, le camp du colonel Kurtz est…un ancien temple khmer ; il y a des statues de nâgas et de lions)
Si quelqu’un me parle photo et pellicule : imperturbable, le regard halluciné, je lui réponds très sérieusement : « quelle pellicule ? » ; j’ouvre alors mon boitier : il est vide ! « Pas besoin de pellicule, je fais juste des photos ; elles sont dans ma tête ! » ; et je pars d’un grand rire dément… Clic ! Clic ! Je reprends mon shooting, et telle une mouche du coche, je virevolte…
http://www.youtube.com/watch?v=4TAixFYnDh4&feature=related

Je reviens à la réalité, un peu déçu que tout cela ne soit seulement que dans ma tête. Ah ! Si seulement Michael, mon australien fou, pouvait être là, il me ferait Dennis Hooper dans « Apocalypse Now » très facilement, et je pourrais alors voir la tête de mes Chinois…

Heureusement, ce sera ma seule confrontation directe avec les envahisseurs : les autres jours, j’organise mes journées de façon à ne plus les croiser ; comme les agences qui planifient les visites ont toujours les mêmes circuits, il est très facile de les éviter…

2ème jour : les temples du grand circuit.

Beng Mealea :
Départ à 5h30 du matin pour 65 kms de route en tuk-tuk avec Sophay…
J’arrive sur place à 7h15, et là, heureuse surprise : je suis absolument tout seul… et le resterai pendant mes 1h30 de visite d’un des plus beaux temples du site d’Angkor ! Incroyable !
Comme le Ta Phrom, le Beng Mealea, c’est l’un des derniers temples presque totalement enfouis dans la végétation…
L’arbre se retrouve dans son élément, avec ses congénères, seul au milieu des bruits de la jungle et des vieilles pierres…







Celle-ci est prise par un petit cambodgien chasseur d’oiseaux avec une fronde ! Le seul intrus croisé pendant ma visite !



J’enchaîne les temples sur le circuit extérieur : le site du Rolûos, à 15 kms au sud-est d’Angkor Wat, également une ancienne capitale ; le Banteay Samré à 10 kms ; et puis surtout le remarquable Banteay Srei, ce temple miniature situé à 25 kms au nord, appelé "cité des femmes", car tout est plus petit : les portes, les sanctuaires, les remparts, etc.



Mais le Banteay Srei, c’est surtout parmi les plus beaux bas-reliefs et frontons de l’art khmer :



En grès rose (une pierre très solide et résistante), ils sont dans un état de conservation incroyable ; je ne suis pas un spécialiste de la sculpture, mais je suis resté « scotché » devant tant de beauté et de finesse…
Le croyez-vous ? Ces frontons ont été exécutés dans la seconde moitié du Xe siècle, et n’ont pas été rénovés !
Et il y a des dizaines comme celui-là !

Ce temple n’est pas seulement célèbre pour sa beauté, mais aussi pour une anecdote édifiante :
En 1923, André Malraux, le futur ministre de la culture français, est une sorte d’aventurier, fasciné notamment par l’art khmer…
A 22 ans, de mauvais placements boursiers ont dilapidé la fortune de son épouse Clara. Après de nombreux voyages à travers l'Europe, il part en Indochine pour y voler des statues et les revendre. Il a plutôt bon goût, car il a pris la décision de découper un des bas-reliefs du temple de Banteay Srei pour le vendre à un collectionneur. Le 23 décembre 1923, Malraux est arrêté à Phnom Penh, au Cambodge, ainsi que son ami Louis Chevasson. Malgré le fait qu’il plaidera le « Res Nullus » (« le délit est nul, puisque l’objet n’appartient à personne »), il est condamné, en juillet 1924, à trois ans de prison ferme et son ami Louis à un an et demi. Clara est acquittée. Elle repart pour Paris et mobilise en faveur de son mari les intellectuels de l'époque comme Marcel Arland, Louis Aragon, André Breton, François Mauriac, André Gide et Max Jacob. En appel, la peine de Malraux est réduite à un an avec sursis et il rentre en France en novembre 1924. Cette aventure lui inspirera le roman « La Voie Royale » (que je suis en train de lire !).
Comme dirait Desproges, « Etonnant, non ? »

Voilà ma deuxième journée qui s’achève déjà ; Sophay est bien fatigué, nous avons fait plus de 200 kms en tuk-tuk !

3ème jour : le reste !
Je loue un bon vélo : 60 kms dans la journée afin de visiter tout le reste : tous les temples dits « mineurs » sur le circuit intérieur ! Et, croyez-moi, il y a des petites merveilles : le Banteay Kdei, le Ta Keo, le Preah khan, le Neak Pean, etc, etc.
Mais je ne peux pas tout vous montrer ; pas la place et le temps ; et puis je préfère aussi vous laisser quelques mystères et que vous puissiez venir voir par vous-même…

Je finis ma journée en retournant sur le Bayon pour le couché de soleil, où je bois mon dernier maté, économisé patiemment depuis 2 semaines pour une occasion comme celle-là ! Magique !


Il est temps de repartir sur Bangkok :
Le mardi 26 janvier, je prends un avion direct pour la capitale, et j’y passerai mes trois derniers jours...

Comme l’année dernière à Buenos-Aires, j’ai de nouveau cette sensation très étrange et irréelle : un mélange de tristesse et de satisfaction (mélancolie ?), avec ce sentiment de « la boucle est bouclée » : était-ce bien la même personne qui séjourna ici il y a 2 mois ? A l’époque (j’ai l’impression d’une éternité), j’avais tout le voyage devant moi ; aujourd’hui, c’est l’inverse, et Bangkok a vraiment une toute autre saveur ! Mais c’est une ville fascinante, et je suis content de m’y perdre à nouveau…

Pas grand-chose à raconter de ces trois jours : je repose mes valises à Thewet, ce quartier tranquille et sympa, je visite un très beau « Night Market », je découvre le quartier de Siam, le quartier chic de la ville avec ses centres commerciaux de luxe ; et puis je profite de mes derniers restos thaï, de mes derniers massages, enfin trois jours plutôt tranquilles !

Le vendredi 29 janvier, je prends mon vol retour pour Paris via Amman…

Comme d’habitude, je pense déjà au voyage suivant : il y a beaucoup de choix, mais dans l’ordre : l’Iran, de nouveau l’Amérique du sud, la Birmanie, Madagascar again, et toujours en projet, si je travaille suffisamment pour mettre assez d’argent de côté : la Nouvelle-Zélande…

Merci à tous pour m’avoir supporté pendant deux mois, merci pour vos encouragements…

FIN…

(Pensez à cliquer sur les photos pour les agrandir)

samedi 30 janvier 2010

Angkor (suite)

Suite de la première journée, après Angkor Wat :

Angkor ThomLa Grande Capitale » en khmer) :
L’apothéose de l’ère angkorienne.
Remparts carrés de 8 m de haut, sur 3 kms de côté, la cité abritait 100.000 habitants ; elle fut la capitale du royaume de la fin du XIIe siècle jusqu’au XVIIe siècle, après qu’Angkor Wat fut pillée par les envahisseurs Cham…
Après 1700 m parcourus depuis la sortie d’Angkor Wat, on arrive à la porte sud d’Angkor Thom :
Il y a cinq portes pour pénétrer dans la ville, à chaque fois, c’est un pont, et une arche surmontée de quatre visages :


Il y a plusieurs temples dans Angkor Thom, dont le Bayon, peut-être le plus célèbre de tous.
Dédié à Bouddha, c’est un temple montagne possédant 37 tours aux visages de Bouddha sculptés :



Et puis il y a des dizaines d’autres merveilles rien que dans Angkor Thom : le Baphuon, la terrasse des éléphants, la terrasse du roi lépreux, le Phimeanakas, le Khleang nord et sud, etc.

Ta Phrom :
En fin d’après midi, nous finissons par un autre « classique » d’Angkor, le fameux Ta Phrom, qui n’est pas une cité mais un temple monastère ; c’est l’un des plus beaux et grands temples de la région, mais il est surtout devenu célèbre par le fait qu’il a été choisi de le laisser à l’état naturel lors de sa redécouverte au début du XIXe siècle : il est donc envahi par la forêt ; il y a en particulier 2 espèces d’arbres parasites qui poussent directement sur la pierre : le ficus étrangleur et le fromager (drôle de nom pour un arbre)…
Souvent, c’est un oiseau qui mange une graine de l’arbre ; on retrouve cette graine dans la déjection du volatile, et donc parfois cette graine peut se retrouver sur une muraille ou un toit : elle germe, et les racines tendent vers le sol en traçant leur chemin entre les pierres, de sorte que lorsqu’elles grossissent, elles écartent progressivement les blocs de pierre ; en définitive, l’arbre devient le support du monument…
Seul problème, lorsque l’arbre meurt pour une raison x ou y (âge, tempête…), les blocs libérés s’effondrent, entraînent la chute d’un mur ou d’un toit, et donc la destruction du temple !
C’est très joli, mais c’est destructeur à long terme ; c’est pourquoi il ne faut pas se fier aux apparences, ces arbres sont de véritables parasites !

Pour la petite histoire, c’est sur ce site qu’auraient été tournées plusieurs scènes du film « Tomb Reader », avec Angelina Jolie ; comme je n’ai pas vu ce fleuron du cinéma d’auteur américain, je ne peux pas vous le confirmer !

Le fromager :


Le ficus étrangleur :






Oh ! une apsara (démone gardienne des temples), prise au piège d’un gros fromager :



A suivre...

Angkor…

Angkor… Enfin, j’y suis…
Pas tout à fait en fait : je suis plus précisément à Siem Reap, la ville à 8 kms de l’entrée du site d’Angkor, et qui sert de base d’accueil (restauration et surtout hébergements) aux deux millions de touristes qui viennent visiter les temples tous les ans…

J’ai appris plein de choses sur Angkor ces derniers jours (avant cela, mes connaissances étaient réduites au strict minimum).
Si comme moi vous ne saviez finalement pas grand-chose sur le site d’Angkor et sur la civilisation Khmère (à part quelques clichés et des images de cartes postales), je vous fais partager ce que j’ai appris ; je vais essayer de ne pas trop rentrer dans les détails (au risque de devenir ennuyeux), et de me limiter aux grandes lignes :

« Angkor… Cette Atlantide tropicale, cette inestimable forêt de pierre, ce monstre architectural, ces hectares des chefs-d’œuvre, ces bas-reliefs et ces sculptures inégalés, ces temples montagnes qui illuminent le Patrimoine de l’humanité, ces gigantesques faces de grès qui regardent de leurs yeux morts aux 4 coins de l’Empire Khmer, ces étranges citadelles où poussent par milliers les fleurs de lotus de pierre »

L’histoire d’Angkor commence au IXe siècle, pour se terminer à son apogée et déclin au XIVe siècle, bien que le royaume en lui-même perdurera tant bien que mal jusqu’au XVIIe siècle.

Au début de notre ère, le peuple khmer vivait dans le sud de l’Asie du sud-est ; plusieurs petites provinces ou royaumes khmers seront unifiés à partir du IXe siècle par un roi qui s’autoproclame empereur de toute la région (le Cambodge actuel plus une partie de l’Asie du sud-est) ; il crée alors une capitale (« Angkor » en langage Khmer) juste au nord du lac Tonle Sap, une région idéale pour l’établissement d’une grande cité…

Pendant les six siècles qui suivent, les khmers vont bâtir dans cette région, au gré des différentes guerres, changements de roi ou de dynastie et autres bouleversements, toute une civilisation : des centaines de temples, des dizaines de cités, des palais royaux, des lacs et des canaux artificiels, et bien d’autres merveilles encore…

La capitale changera plusieurs fois de lieu : on bâtit au fil des ans de nouvelles villes et temples, mais toujours dans un rayon de quelques dizaines de kilomètres carrés ; le site d’Angkor n’est donc pas seulement une ville, mais plusieurs anciennes cités, reparties sur un territoire de 400 km².

Les khmers adoptèrent la religion hindouiste et bouddhiste dès le début de notre ère, grâce à la venue en Asie du sud-est de marchands indiens ; ils ont surtout voué un culte à Shiva et Vishnu. Durant l’apogée d’Angkor, selon la croyance d’un roi ou d’un autre, les temples seront construits pour l’hindouisme ou pour le bouddhisme, des fois les deux ensemble, des fois d’abord bouddhiste, puis hindouiste, ou l’inverse (on changera les statues des dieux à chaque fois)…

Une ville se composait en général comme suit : on construisait un grand rempart entouré de douves ou de bassins ; à l’intérieur, un ou plusieurs temples, et un palais royal ; enfin, tout autour, le peuple construisait ses maisons et commerces ; les douves, les remparts, les bibliothèques et les temples seront bâtis en dur (la pierre : le grès, la brique ou la latérite), tout le reste de la ville, (les maisons, le palais royal, etc.) sera en matériaux plus périssables, souvent en bois ou en paille.

Les temples seront réservés aux seuls dieux (c’étaient leurs résidences) ; on place une représentation de ce dieu à l’intérieur du sanctuaire ; aucun homme ne vivait dans les temples, qui seront ornés de sculptures religieuses, et dont leurs murs seront décorés de bas-reliefs, de frontons, et de fresques, racontant l’histoire de l’hindouisme ou du bouddhisme : tout l’art khmer…

Bien évidemment, aujourd’hui, près de 6 siècles plus tard, toutes les constructions périssables n’existent plus, et ont été « mangées » par la jungle ; ne reste donc que les remparts, les plans d’eau et bien sûr les temples et leurs œuvres d’art (lorsqu’elles n’ont pas été pillées)…

Angkor, c’est donc de la vieille pierre magnifique, des sculptures et bas-reliefs incroyables, au milieu de la forêt.
Il faut se représenter à la fois un château de Versailles décrépit, un palais du Louvre en ruine, une place de la Concorde disloquée par des racines géantes, et toutes les plus belles cathédrales de France et de Navarre, réunis dans un même espace envahi de végétation tropicale… Rien de moins !

Samedi 23 janvier, début de mes 3 jours de visite ; la veille, j’ai trouvé par hasard mon conducteur de tuk-tuk Sophay, qui me transportera pendant 2 jours, car le site est très grand ; par son intermédiaire, je trouve aussi un guide : M. Han, ce vieux cambodgien de 72 ans, qui parle le français, et qui est un véritable puits de science concernant Angkor et la culture khmer.

Les journées seront bien remplies : départ à l’aube de ma guesthouse à Siem Reap, visite jusqu’au coucher de soleil, le tout avec un planning et circuit bien défini afin d’échapper à la foule. Le soir, retour à Siem Reap.
J’ai prévu eau, casquette et crème solaire, car ici, la journée, sous les tropiques, le soleil n’est pas ton ami…

Je commence la visite :
1er jour : visite avec M. Han des trois plus grands sites : Angkor Wat, Angkor Thom et le Ta Prohm…

Angkor Wat (« la ville pagode » en khmer) :
Symbole mythique du Cambodge (ses tours apparaissent sur le drapeau national), le plus grand et le plus sublime de tous les temples khmers. Sa beauté, sa taille, et son exceptionnel degré de conservation sont tels que beaucoup le considèrent comme la huitième merveille du monde…
Commencée au XIIe siècle, la construction a duré 37 ans, il est entièrement dédié au dieu Vishnu, et fut un temple d’état et la capitale du royaume.
Comme je l’ai déjà expliqué, c’était une vraie cité médiévale à part entière : les remparts ont une surface d’un km sur 800 m ; les douves qui entourent la ville font 1,3 kms de côté, sur 190 m de large : je vous laisse imaginer toute cette splendeur à l’époque de son apogée au moyen-âge, avec ces 700.000 habitants, son palais royal, le système hydraulique de ses bassins et de ses douves, ses bateaux. Paris à la même époque n’a que…80.000 habitants, et c’est la plus grande ville de la chrétienté ! Alors qu’au XIIe siècle en Europe, la plupart de nos ancêtres vivent dans l’obscurantisme du moyen-âge, au même moment, en Asie du sud-est, une civilisation de constructeurs et de sculpteurs est à l’apogée de son art et crée une des merveilles du monde ; ça fait quelque peu réfléchir sur la notion de pays développés, de pays du tiers-monde, ou de monde occidental soit disant dominant…




Des bas-reliefs sculptés directement dans les murs en grès, parmi les plus beaux de l’art khmer :

Petite précision : ces bas-reliefs font 2 m de haut sur… 200 m de long ! Et il y a 4 galeries ; soit 800 m de fresques ! Je ne peux imaginer le nombre d’artistes, et le nombre d’heures pour créer tout ça !

M. Han, mon petit papi cambodgien, me raconte des tas d’histoires merveilleuses, notamment la signification de tous ces bas-reliefs : chacun raconte un épisode glorieux de l’histoire de l’hindouisme ou de l’histoire khmer (barattage de la mer de lait, la bataille de Kurukshetra, la victoire de Vishnu sur les asuras, etc…).
Il a 6 enfants, dont encore 3 à sa charge, et il ne peut pas prendre sa retraite malgré son âge, car l’éducation est payante au Cambodge, et la retraite payée n’existe pas…

Non, il ne boit pas de maté, mais du sirop de sucre de palmiers dans un bambou (comparable au sirop de canne) :

Les cours intérieures :





A partir du XIVe siècle, le temple fut « détourné » vers le culte bouddhiste, avec un remaniement notable du sanctuaire central. Aujourd'hui encore, le temple est visité quotidiennement par des moines bouddhistes.
Le temple du dieu Vishnu est devenu le temple de Bouddha…
Mais ne dit-on pas, dans l’hindouisme, que Bouddha est la 10ème réincarnation du dieu Vishnu…



Voilà pour Angkor Wat ; il y aurait tant d’autres choses à dire ; M. Han et moi y passons 4 heures ; d’abord parce que c’est gigantesque et que nous visitons tout, et puis aussi, il faut bien l’avouer, parce que M. Han n’est plus tout jeune, et qu’il ne marche pas très vite…

A suivre…

Pnom Penh

Je quitte donc le Laos ce mercredi 20 janvier, avec un sentiment de tristesse, car j’ai beaucoup apprécié le pays, la gentillesse et la façon de vivre des laotiens…
Mais je n’ai pas franchement le temps de gamberger, car un autre sentiment prend très vite le pas : une certaine excitation de découvrir mon 3ème pays asiatique : le Cambodge.
Même si je ne vais pas visiter beaucoup de lieux, je suis très impatient de découvrir Phnom Penh, et surtout Angkor, les deux seuls endroits que je vais traverser, car la fin de mon voyage approche, et je dois retourner sur Bangkok pour le 27 janvier dernier délai…
Mais je ne vais pas me plaindre, le Cambodge n’était pas prévu au programme, et c’est tout bonus…

10 heures de bus direct entre le sud du Laos et Phnom Penh :


Petit arrêt au poste frontière pour l’obtention du visa ; les formalités de douane ne se font pas dans le plus grand confort, mais en plein cagnard, et au milieu de nulle part ; on peut dire que ce poste frontière est pour le moins spartiate :




Nouvelle donne pour le Cambodge : une monnaie officielle, le riel, et une autre officieuse, mais la plus utilisée : le bon vieux dollar de l’Oncle Sam, qui, depuis le passage de casques bleus de l’ONU dans les années 90, est vraiment devenu la devise courante dans le pays ; pour preuve, les distributeurs de billets dans les villes ne donnent seulement que des… dollars !
Nouveau casse tête en perspective : on paye en dollars à partir de la somme de 1 $, mais en dessous, on paye en riels, (un dollar est égal à 4000 riels), donc il faut constamment jongler avec deux devises dans sa poche…

J’arrive à Phnom Penh vers 9h du soir ; je vais passer deux nuits et un jour dans la capitale ; malheureusement pas plus, car j’ai fait le choix de passer quatre jours à Siem Reap (Angkor), le minimum si l’on veut pleinement et sereinement visiter tous les temples. Autant vous le dire tout de suite, ce sera un choix cruel, car la ville me séduira rapidement, et j’y serais bien resté quelques jours de plus…
Phnom Penh, c’est vraiment une cité fascinante. C’est une véritable ruche comme Bangkok, mais à une échelle plus humaine et c’est aussi plus dépaysant que la capitale thaïlandaise. Ce n’est pas pour rien que Phnom Penh est considérée par beaucoup comme la plus fascinante ville de l’Asie du sud-est.
Mes premières impressions, sous la pluie, ma première pluie depuis mon arrivée en Asie il y a pratiquement deux mois :
Ça grouille de partout, on est aspiré par les rues bondées et les immeubles décrépits ; on se plonge avec délice dans les ambiances des centaines de marchés improvisés et pittoresques qui pullulent partout ; on se perd dans ces avenues saturées d’embouteillage ; c’est très asiatique aussi : parfois, on a l’impression d’être dans certains quartiers de Hong Kong filmés dans les polars de Johnny To, avec un petit côté colonial en plus, dans l’architecture et dans le tracé des rues ; on se délecte dans cette fourmilière géante et bruyante, qui ne dort jamais ; on est à mille lieux de la tranquille Vientiane, pourtant les deux pays comptent à peu près le même nombre d’habitants (soit 7 millions pour le Cambodge).
Je commence ma journée en trouvant un bon endroit pour petit-déjeuner : rien de mieux pour prendre la température d’une ville que de se fondre dans la population locale : je choisis une gargotte de quartier remplie de cambodgiens (toujours un bon signe quand il y a du monde) ; je commande la même chose que mon voisin, car le menu est en cambodgien et je n’y comprends rien :


Il est 8h, et je déguste du porc caramélisé, du riz, du bouillon, et des légumes en soupe :



Depuis le début de mon voyage, je mange local, et j’essaye tout ce que l’on me propose ; et pour l’instant, aucun problème au niveau digestion, pas de « tourista », ni intoxication alimentaire ! Comme dirait ma petite nièce Noémie, je fais toujours des « rrrros cacas » (elle va sur ses 2 ans, et elle parle de sa poupée quand elle lui change sa couche)…
Je croise les doigts, et je continue de manger le plus exotique possible !

Des rues aux immeubles décrépits, et aux allures de ruches :



Le trafic automobile, mais aussi des 2 roues, bat tout ce que j’ai pu rencontrer jusqu’à présent :




J’adore marcher dans cette ville ; j’ai l’impression d’être le seul occidental, perdu au milieu d’une foule de cambodgiens ; en effet, il y a beaucoup moins de touristes qu’à Bangkok, d’où cette impression de dépaysement et d’isolement.

Des marchés, des cantines, des gargottes, des vendeurs partout :



Le fameux durian, ce fruit si particulier : assez cher, il est très recherché dans la cuisine sud-est asiatique ; sa particularité : il est très malodorant (son odeur peut être décrite comme un mélange d’effluves d’excréments de porc, de térébenthine et d'oignons, le tout garni par l’odeur d’une vieille chaussette), au point que sa consommation est souvent interdite dans de nombreux endroits (transports en commun, hôtel, lieux publics…) :


Les marchands ambulants de jus de cannes à sucre :


Le 1er septembre 1966, devant 100.000 Cambodgiens enthousiastes entassés dans le stade de Phnom Penh, le Général De Gaule fit un discours très en faveur de l’arrêt des frappes américaines en Asie du sud-est : depuis, il est devenu très populaire, et on lui a offert un grand boulevard :


Des arbres du voyageur en plein cœur du centre-ville ; cet arbre est un des emblèmes de Madagascar ; un arbre fascinant, sa particularité est un mystère pour la science : ses feuilles ne poussent que dans un plan (2 dimensions), et les chercheurs n’ont pas d’explication scientifique (une sorte d’instinct géométrique chez une plante ?) :


Non, ce n’est pas le rejeton d’un alien échappés du film de Tim Burton « Mars Attack », mais tout simplement un petit cambodgien dans son youpala (pas sûr de l’orthographe) très kitch et futuriste :


En préambule à ma visite d’Angkor, je vais au Musée National de Phnom Penh, où des milliers de sculptures d’art Khmer sont exposées ; je fais la visite avec un guide, une vieille mamie cambodgienne qui parle français, qui me raconte plein d’histoires et d’anecdotes ; cela permet de me remettre un peu à jour dans l’histoire de la civilisation Khmère, et dans l’histoire de l’Hindouisme et du Bouddhisme…


Et les cambodgiens dans tout cela : en une journée, je suis complètement conquis ! Mieux que les laotiens ! Ils sont souriants, accueillants, polis, gentils, prévenants, communicants (beaucoup parlent l’anglais, et un certain nombre encore le français)…
Les conducteurs de tuk-tuk sont certes parfois un peu énervants à toujours vous apostropher dans la rue, mais ils restent toujours courtois et souriants, rien à voir avec les tuk-tuk thaïlandais !
Le premier soir, j’assiste à un anniversaire cambodgien dans un bar : de nouveau, comme au Laos, c’est un podium, avec synthé, chanteurs et mur d’enceintes ; on chante et on danse au son de la musique Khmère…

Je prends un pot dans le fameux bar du FCC (Foreign Correspondant’s Club), gros bâtiment colonial qui domine la rivière : c’est le club des correspondants de presse étrangers, endroit célèbre pendant la guerre du Vietnam. La légende dit que beaucoup de journalistes n’ont pas beaucoup bougé leurs fesses des tabourets du bar à cette période ! Colonnes, gros ventilos, fauteuils profonds, stores en bambou, teinte sépia, et vue sur la rivière Tonlé Sap ; on se croirait dans le night club du film « Casablanca » :


Et puis ma première bière du pays, la fameuse Angkor (fini la Beerlao, snif ! snif ! Pour moi c’était la meilleure !) :

Je me documente sur l’histoire du Cambodge : toute la civilisation Khmère, incroyable et merveilleuse ; puis je finis par l’histoire plus moderne et malheureusement plus dramatique aussi : les khmers rouges ! C’est édifiant ! Je ne suis là que depuis quelques heures, mais j’ai vraiment du mal à imaginer que cet épisode a eu lieu ici.


Je me suis beaucoup plongé dans cette période de l’histoire, et je me sens obligé de vous rappeler quelques faits (excusez-moi pour le tour un peu sombre que prend ce carnet, mais j’ai été tellement édifié par certains événements, qu’il est important pour moi d’en parler un peu) :

« 1975 au Cambodge, année zéro, l’arrivée au pouvoir des Khmers rouges, qui deviennent maîtres du pays et de la capitale, faute d’opposants, dans un Cambodge divisé et exsangue, suite à la guerre du Vietnam et à l’intervention catastrophique en sous main de la CIA.
On assiste alors à la déportation vers les campagnes de millions de personnes, avec notamment l’épisode totalement surréaliste et inimaginable d’un Phnom Penh (2,5 millions à l’époque !), complètement vidé de sa population pendant plusieurs semaines : sous prétexte de risque de bombardements américains imminents, en l’espace de 48h, les « libérateurs » procèdent à l’évacuation TOTALE de la capitale ! Habitants et réfugiés, (l’équivalent de la population de Paris intra-muros), sont déportés de force vers les campagnes du nord et de l’ouest du pays… Personne n’est épargné : même les malades des hôpitaux se retrouvent sur la route en fauteuil roulant ! Un exode qui coûtera la vie à des dizaines de milliers de déportés, notamment les vieillards et les enfants en bas âge, la population ayant à peine eu le temps d’emporter des provisions. En quelques jours, la capitale n’est plus qu’une ville fantôme, livrée aux rats et à une poignée de révolutionnaires qui saccagent tous les symboles de la société bourgeoise : la banque d’état est dynamitée, les églises sont brûlées, le contenu des magasins déversé dans les rues… C’est hallucinant !
Et puis il y aura ensuite le génocide en lui-même : la mort d’environ 2 millions de cambodgiens (un tiers de la population !). Une barbarie unique dans l’histoire moderne de l’humanité : l’élimination d’une partie d’un peuple par une minorité de cette même population, sans aucune réelle raison valable (ni religieuse, ni politique, ni raciale ou ethnique) ; juste la dérive d’une idéologie communiste poussée à l’extrême, et créée de toute pièce par un quarteron de marxistes (dont le tristement célèbre Pol Pot) ; c’est le plus édifiant : seulement 4 personnes seront vraiment les instigateurs, les maîtres à penser, et les chefs de cette aberration et de cette boucherie (au départ des gens a priori cultivés et intelligents ; l’un est médecin, l’autre avocat ; ils ont étudié à Paris pendant les années 50).
Mais reprenons le déroulement des faits, en 1975 :
Toutes les villes du Cambodge sont donc évacuées : on ordonne à la population de gagner les rizières pour se mettre au travail dans le but d’assurer l’autosuffisance alimentaire.
Durant sa déportation, la population est soigneusement triée en 3 catégories :
Les anciens militaires et opposants politiques : ils seront purement et simplement exécutés dans des camps.
Les fonctionnaires, journalistes, écrivains, intellectuels, etc., seront envoyés dans « des villages spéciaux ».
(Le fait de porter des lunettes ou de posséder un stylo était considéré comme un signe d’intellectualisme, donc opposants potentiels, donc suspects : eh, hop, en « villages spéciaux »).
Le reste de la population sera classé sous l’appellation de « peuple », et sera prié de rejoindre son village natal et de se plier aux ordres pour gagner son riz quotidien ; les conditions de travail seront proches de l’esclavage !
Progressivement, toute la société cambodgienne sera réorganisée sur le modèle d’une armée. Les rares privilèges seront réservés aux soldats révolutionnaires. Le reste, c'est-à-dire le peuple, sera progressivement considéré comme… prisonnier de guerre !
Cloisonnés dans des campagnes dont ils n’ont pas l’habitude, en proie aux maladies, au soleil, à la faim, et aux travaux de force, de nombreux citadins seront condamnés à brève échéance.

Dans l’urgence d’accomplir leur « programme », les Khmers rouges n’ont prévu aucune intendance : les hôpitaux des villes sont interdits d’accès, les médicaments réservés aux combattants, les médecins traqués et déportés pour cause d’appartenance à la bourgeoisie… Au fil des mois, cela se radicalise encore plus, et d’incessantes exactions sont commises sur la population sous prétexte de non-conformité idéologique : les jeunes aux cheveux longs sont exécutés, de même que toute personne susceptible de connaître une langue étrangère ! Ce sera au tour des « villages spéciaux » de se transformer en charniers. Les Khmers rouges se méfient de tous signes d’intelligence : « il vaut mieux tuer un innocent que de garder en vie un ennemi ». Pour économiser les cartouches, on fracasse les têtes des condamnés à coup de pioche… Les soldats Khmers rouges sont pour la plupart des campagnards illettrés, mais aussi et surtout des enfants d’entre 10 et 15 ans, et des jeunes filles froides et déterminées, endoctrinés par le régime !

Les charniers se multiplient aux 4 coins du pays, et au début des années 80, on estime le nombre de morts à 2 millions ! »

Voilà, ça fait plutôt froid dans le dos…

Et dire que je visite tranquillement ce pays, sans ressentir la moindre trace de tout ça ; Il y a bien quelques lieux de mémoire et de commémoration, comme le musée Tol Sleng à Phnom Penh (cet ancien lycée fut transformé par les Khmers rouges en centre de détention, de torture et d'exécution entre 1975 et 1979. Le lycée avait alors comme nom secret prison de Sécurité 21 ; aujourd’hui, c’est un musée dédié au génocide), mais encore une fois, sur ce que je vois, j’ai du mal à croire que ces gens ont vécu cette barbarie il y a seulement 20 ans ; je pense que la société cambodgienne veut absolument tracer un trait sur cet épisode historique, et oublier au plus vite ce génocide pour prospérer plus vite. C’est sûrement la meilleure solution d’ailleurs, mais c’est difficile pour nous de comprendre : dans nos sociétés occidentales, c’est plutôt le devoir de mémoire qui prime, et le « en parler pour que plus jamais ça » ; pas pour les Cambodgiens : de nombreux Khmers rouges vivent encore paisiblement, parfois à des hauts postes administratifs, dans tout le pays.
D’ailleurs, à propos des 4 leaders historiques :
- Pol Pot (Saloth Sar), dit « Frère numéro 1 », le chef effectif du mouvement c'est-à-dire Premier ministre et maître du Kampuchéa démocratique, secrétaire général du PCK depuis février 1963. Il est mort soudainement (officiellement d'infarctus du myocarde) dans sa résidence surveillée en 1998, peu après sa condamnation par ses anciens compagnons d'armes lors d'un procès à Anlong Veng, bastion des khmers rouges irréductibles.
- Nuon Chea, « Frère numéro 2 », président de l'assemblée nationale khmère rouge, toujours en vie mais heureusement enfin inculpé récemment.
- Ieng Sary, « Frère numéro 3 », vice-Premier ministre et ministre des affaires étrangères (beau-frère de Pol Pot), toujours en vie et libre.
- Khieu Samphan, Président du Présidium d'État, « la bouche de Pol Pot », toujours en vie et libre.

Heureusement, les choses ont l’air de bouger un peu en 2009 : enfin un bourreau est devant ses juges (le sinistre Duch, directeur du S21).

Voilà pour le petit rappel historique de cette période pas très glorieuse…

Maintenant, je préfère penser à la grande civilisation khmère, celle-ci très positive, et dont le plus grand témoignage reste le fabuleux site d’Angkor, ma prochaine étape…

Je fais quelques acquisitions, afin d’arriver là-bas avec quelques connaissances :

Le vendredi 22 janvier, je m’embarque pour 6 heures de bus entre Phnom Penh et Siem Reap, la ville qui sert de base à la visite d’Angkor…
Extrait musical :
Dengue Fever, ce groupe très à la mode en occident ; des américains, avec une chanteuse cambodgienne qui chante en cambodgien ! Le meilleur du rock américain rencontre l’esprit de la musique du sud-est asiatique et la langue cambodgienne : c’est une tuerie…

Là, un petit live ambiance karaoké cambodgien ou laotien :